SIDE B
SUNSET MEMORIES
LA VILLA MOYARD
2015
MORGES
Tonatiuh Ambrosetti et
Simon Depierraz
Présentation
Images
Les propositions de Tonatiuh Ambrosetti et Simon Deppierraz pour Face A et Face B soulignent la difficulté d’imposer aujourd’hui une classification et une définition trop restrictive à certaines propositions d’objets se situant aux frontières du design et de l’art. Système de production en série ou unicum, mode de diffusion à grande échelle ou de manière plus confidentielle, qualité et confort, les critères qui jusqu’à récemment pouvaient encore définir et distinguer ce qui était design ou art s’avèrent désormais plus complexes et variables.
Se référer à l’industrie discographique pour l’intitulé du projet global prend dès lors toute sa signification. En effet, Face A et Face B n’indique pas un sens hiérarchique. Comme dans l’histoire des 45 tours, on peut distinguer que derrière une appellation technique peut se cacher différents aspects beaucoup plus riches de sens et de potentiels. Ainsi, jusque dans les années 1990, il n’est pas rare qu’un 45 tours propose le single d’un artiste sur une face A et celui d’un autre sur la face B, un split single. Il n’est pas rare non plus qu’une face B ait obtenu un succès bien plus important que la face A comme le titre I Will Survive de Gloria Gaynor qui n’est au final que la face B du titre Substitute. D’autres fois, un titre trop long se retrouvait coupé en deux pour le répartir sur les 2 faces tel Like a Rolling Stone de Bob Dylan. Le modèle du 45 tours permet ainsi une liberté bien plus important qu’il n’y paraît.
Face A et Face B, réciproquement à la galerie Mobilab de Lausanne et à La Villa, à Morges, se propose de jouer avec la dissolution des écarts entre art et design.
Tonatiuh Ambrosetti (1980), photographe de formation, passionné par les défis techniques de son médium, la photographique analogique, la pousse dans ses retranchements. A l’instar de l’idée de Marshall McLuhan, philosophe des médias, selon laquelle « le médium est le message », Ambrosetti affirme le pouvoir de l’analogique comme contenu du message lui-même. Des jeux de trames d’architectes superposées provoquent des effets moirés et des halos colorés purement rétiniens. De notre regard dérèglé émerge dans la platitude de l’« image » l’illusoire perfection du médium. La recours à la planéité est, selon Eric de Chassey, « une manière pour un photographe d’attirer discrètement l’attention sur le caractère fabriqué de son image et de mettre en question sa supposée transparence sans pour autant nier son rapport au réel, en même temps que de refuser les séductions esthétiques et les prestiges de la subjectivité qui la rapprocheraient d’emblée de l’oeuvre d’art légitimée par la tradition. »1 En effet, la planéité est ce qui relie, par l’emploi du papier ou de la toile, les pratiques traditionnelles du dessin et de la peinture avec celle plus récente de la photographie, engendrant de manière naturelle des emprunts ou des distinctions vis-à-vis de ces formes plus anciennes. Dans le cas d’Ambrosetti, on se plaît à penser aux recherches des artistes cinétiques Yaacov Agam, Jésus Raphael Soto ou Victor Vasarely. Ajoutons encore au sujet des propositions d’Ambrosetti que le titre qu’il donne à l’ensemble de ses oeuvres présentées dans Face A e t Face B soit Electric Counterpoint, primo, secondo et terzo movimento, fait référence à l’oeuvre musicale composée en 1987 par Steve Reich Electric Counterpoint. Trois mouvements composent Electric Counterpoint de Reich tout comme la proposition plastique d’Ambrosetti se décline en trois groupes, attacato. La superposition de trames, les jeux de couleurs et de reflets de miroir contribuent à faire d’Electric Counterpoint, primo, secondo et terzo movimento plus que de simples propositions plastiques et design mais bel et bien des questionnements surles profondeurs phénoménologiques du voir.
Marco Costantini